Les mots se filent, l'émoi s'effiloche.
Des bobines en pagaille, du désordre, partout, un instant de chaos.
C'était la première impression que l'on avait d'elle. En rentrant dans son appartement.
Rien n'était rangé. Sa vie comme un entassement de bêtises, un amoncellement d'objets, de poussières et de souvenirs patinés. Ou peut-être des photos accrochés le long d'un fil.
On s'asseyait sur des tapis. Certains attrapait un coussin, s'allongeait. Habitués. A même le sol.
Quand on lui demandait pourquoi, au milieu de tant choses, il y avait si peu de meubles, elle répondait que ça rapprochait les gens. D'être au même niveau, et de n'avoir qu'à pousser, passer les objets pour faire tomber les murs en béton armé que l'on s'efforce de tisser, sous couvert de communiquer.
Elle aspirait à la communion, soi-disant. C'est sûr qu'on expérimentait une vision nouvelle. Je ne me souviens plus très bien de ce que l'on faisait, seulement de volutes de fumée. L'impression que le temps était figé.
Ce n'était bien sûr pas important.
Elle était une collection d'instants futiles, sans but. Le capharnaüm ambiant le clamait: cela n'a pas de sens. Vous n'irez nulle part. Elle nous offrait un répit dont on ne savait rien, pour que lorsque l'on aurait compris que nous luttons tous pour arriver à une fin abrupte, on s'en aille en connaissant notre ignorance.